mardi 3 avril 2012

(Guest-edito) Exit Karim Wade : L’entreprise sénégalaise change d’air et d’ère

(Setal 03/04/2012)

En quittant le Palais présidentiel, le Président Abdoulaye Wade s’est installé dans une des villas de son ministre des Affaires étrangères, Me Madické Niang, à Fann Résidence. La villa est splendide et offre tout le confort pour un ancien chef d’Etat. La presse avait affirmé, à tort, que Me Wade s’était installé dans une villa tout aussi splendide, sise aux Almadies et appartenant à son garde du corps Lamine Faye. Ce body-guard et neveu du chef de l’Etat, en possède plusieurs du même standing. Donc le Président Wade n’a finalement pas pris ses quartiers aux Almadies. Mais cela aurait été l’occasion pour qu’il mesure les limites de sa gouvernance. Comment un garde du corps, sans revenu en 2000, peut-il arriver à se constituer un patrimoine immobilier aussi important et dont chacune des perles est évaluée à plusieurs centaines de millions de francs ? La villa de Lamine Faye aux Almadies ne vaudrait pas moins d’un milliard de francs. Un proche du chef de l’Etat, homme d’affaires réputé très riche, affirme avoir du scrupule à dormir dans une demeure pareille.
L’autre leçon que le désormais ancien président de la République du Sénégal doit certainement tirer de sa situation de «squatter» du domicile des autres, est que son fils Karim ne devrait certainement pas être le génie «efficace», comme il le présente à volonté. Sur ce registre, il ne dira pas à la mère de Karim que son fils a bien travaillé. Depuis 2002, le domicile de Abdoulaye Wade au Point E, résidence officielle de Karim Wade, reste en chantier. Il est curieux qu’un maître d’ouvrage qui ne manque ni de ciment, ni de fer ou autres matériaux, n’arrive pas à terminer en dix ans, une villa bâtie sur deux niveaux sur une superficie de moins de 2000 m2. Seulement, Abdoulaye Wade peut se consoler, car son prédécesseur Abdou Diouf n’avait pas, lui non plus, un chez soi où dormir, à son départ de la présidence de la République le 2 avril 2000. Il logeait à Paris chez son ami l’entrepreneur et ancien Premier ministre du Liban, Rafik Hariri, avant de se payer un appartement sur l’Avenue Pierre 1er de Serbie. Les Wade ont manque de prévoyance et ont été fort surpris par la perte du pouvoir. La résidence qu’ils ont voulu s’offrir à Saly Portudal, comme celle de Popenguine sont encore en chantier. Abdoulaye s’était aussi offert un domaine de plus de 5 hectares à Ngor et qu’il avait agrandi en achetant un terrain contigu appartenant à un homme d’affaires Sénégalais, Cheikh Amadou Amar, installé au Gabon. Ce terrain est toujours resté nu. Wade avait payé cash ce terrain de Amar à plus d’un milliard de francs. C’était sur ce domaine de Ngor qu’était installé le village du Fesman.
Karim Wade a laissé la villa de son père inachevée. Sans doute qu’il avait la tête à d’autres chantiers, plus gratifiants, réalisés principalement avec des entrepreneurs étrangers. Karim Wade s’est distingué par son penchant obstiné à ne travailler qu’avec des entreprises étrangères. Quel est l’entrepreneur Sénégalais qui n’a pas eu de bisbilles avec Karim Wade ? Bara Tall de Jean Lefebvre Sénégal (Jls) n’est pas le seul. Jls a été systématiquement écarté de tous les travaux de Btp conduits par Karim Wade ; ce qui a mis en péril plus de 3 000 emplois. Les entreprises Cde et Cse n’ont pas trop profité de la mise à l’écart de Jls car elles aussi, ont vite été supplantées par la société Eiffage. Karim Wade avait une préférence étrangère pour faire réaliser les grands ouvrages. La preuve, l’homme d’affaires Yérim Sow avait convoité un terrain sis à l’ancien champ de tirs aux Mamelles avec une mise de 13 milliards de francs afin d’y construire un grand hôtel. La société koweitienne Kharafi lui a été préférée et, tenez-vous bien, pour le franc symbolique. Youssef Omaïs avait acquis un terrain sis aux environs du Port de Dakar où il comptait regrouper toutes ses unités industrielles. Karim Wade a voulu le terrain et il ne lui a suffit que d’un simple coup de fil, menaçant, pour faire savoir au patron de Patisen son intérêt pour le terrain. Youssef Omaïs ne se fera pas prier deux fois.
Le patron de la société Itoc, Baba Diao, fournisseur de produits pétroliers, a longtemps été victime d’ostracisme de la part du fils du Président Abdoulaye Wade. Pour Karim Wade, la procédure des appels d’offres publics que gagnait régulièrement la société Itoc Sa, devant des «major» étrangers, était suspecte. Ainsi, n’avait-il pas hésité à casser des marchés déjà conclus avec Itoc et à l’étouffer par des procédés peu orthodoxes. Mais à chaque fois, la même société faisait les meilleures offres. Karim Wade n’a pas épargné jusqu’aux hommes d’affaires Sénégalais qui passaient pourtant pour être des proches de son père ou de lui-même. Pendant longtemps, Abbas Jaber est passé pour être le porteur d’affaires ou le prête-nom de la famille Wade. Les relations entre les deux hommes étaient «fraternelles» jusqu’à ce que, on ne sait pour quelles raisons, Karim Wade décida de mener la vie dure à Abass Jaber. Les sociétés Suneor et Transrail pâtiront de ce froid entre Karim Wade et Abass Jaber. Est tout aussi surprenante la brouille entre Karim Wade et Cheikh Amar de Tse. Las d’allonger des créances au remboursement hypothétique en finançant des campagnes agricoles par la mise à disposition de semences, d’engrais et autres matériels agricoles ou de services, Cheikh Amar a voulu, un moment, jouer sur le registre de la prudence que lui dictaient d’ailleurs ses difficultés de trésorerie. Karim Wade ne l’entendait pas de cette oreille. Les deux hommes s’en sont pris, du fait que Cheikh Amar n’arrivait plus à livrer du matériel sans recevoir le paiement de tout ou partie des importantes sommes qui lui sont dues par l’Etat. Quid De Ousmane Diop de Senbus ? Lui aussi est longtemps passé pour être un porteur de business de Karim Wade, mais leurs relations se sont détériorées au gré des contrats signés par-ci et par-là. Youssou Ndour a beaucoup chanté Abdoulaye Wade avant d’être dans le collimateur de Karim Wade. Pierre Goudiaby Atepa, l’architecte préféré de Me Wade, porteur d’affaires avec Kumba Resources ou Franck Timis s’est fait éjecter par Karim Wade. Serigne Mboup de Ccbm est revenu dans les bonnes grâces du Président Wade après de nombreuses difficultés avec Karim Wade. C’est dire que le seul entrepreneur qui aujourd’hui ne semble avoir de contentieux avec Karim Wade, demeure le Français Gérard Senac de Eiffage. Avec le régime de Macky Sall, les entrepreneurs Sénégalais changerons à coup sûr d’air et d’ère, pour reprendre la formule de Jacques Séguela.

Par Madiambal Diagne du Quotidien
Mardi 3 Avril 2012

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